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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

tout voir sans qu’aucun de vos aristocratiques personnages m’aperçoive, hein, qu’en pensez-vous ?

Comme le Major donna du poids à cette question en glissant une demi-couronne dans la main du bedeau, ce dernier y répondit promptement.

— Je vais vous mettre, — dit-il, — dans le banc le plus confortable où vous ayez jamais pris place.

— Cela vous sera facile, — murmura le sportsman amateur — car il n’y a pas beaucoup de bancs, ni d’églises non plus où je me sois jamais assis.

Le Major prit place dans un coin de l’église d’où il voyait très-bien l’autel éclairé par quelques cierges dont la lueur jaune brillait au milieu du brouillard.

À mesure que l’heure fixée pour la cérémonie approchait, le brouillard devenait de plus en plus épais dans l’église, et la lueur des cierges augmentait d’éclat en proportion de l’obscurité.

Le Major s’assit tranquillement dans son banc et croisa ses bras sur le rebord où les livres de prière entassés dans un coin à côté de lui se placent d’habitude pendant le service divin. Il planta son menton sur ses bras croisés et ferma les yeux.

Mais dans son assoupissement, il entendit le plus petit bruit. Il entendait les souliers à clous des enfants orphelins retentir sur les dalles de l’église, il entendait le frémissement des feuilles de houx, et la voix sonore de Philip qui parlait au prêtre sous le porche en attendant l’arrivée des voitures de Maudesley Abbey.

Le cortège nuptial pénétra enfin dans l’église et prit place devant la grille de l’autel. Dunbar se tint derrière sa fille, la figure dans l’obscurité.

Le service de mariage commença. Les yeux du Major s’ouvrirent alors de toute leur grandeur. Ces yeux noirs, curieux et rusés virent tout. Ils se fixèrent tantôt sur la mariée, tantôt sur le marié, et tantôt sur la figure du recteur et de son vicaire.