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HENRY DUNBAR

était autrefois bien accueilli, le malheureux se cache parmi des étrangers et tente de détruire son odieuse identité en prenant un faux nom. Il réussit peut-être pendant quelque temps et obtient une certaine confiance ; nature réellement honnête, il se conduit bien, mais il ne peut se soustraire longtemps à son terrible passé. Non ! Au moment où il est le plus fier du nouveau nom qu’il s’est fait et du respect qu’il a conquis, quelque ancienne connaissance, parfois un ami du passé, mais maintenant un ennemi, se rencontre sur son chemin. Il est reconnu et une voix cruelle le trahit. Toutes les espérances qu’il avait caressées s’envolent en un moment. Toutes les bonnes actions qu’il a faites sont autant d’actes d’hypocrisie. Parce qu’il a péché une fois, il ne peut plus rien faire. Tel est l’argument du monde.

— Mais ce n’est pas là ce qu’enseigne l’Évangile, — murmurait Margaret ; — rappelez-vous, père, quel est celui qui a dit à la femme : « Allez, et ne péchez plus ! »

— Oui, ma fille, — répondait Wentworth avec amertume, — mais le monde aurait dit : « Loin d’ici, créature abandonnée, va et pèche de nouveau, car tu ne pourras jamais être honnête ou vivre avec d’honnêtes gens. Repens-toi, et nous rirons de ton repentir comme d’une tromperie. Pleure, et nous ne croirons pas à tes larmes. Travaille et essaye de remonter au faîte dont tu es descendue, et quand tu seras presque à la cime de cette colline si difficile à gravir, nous nous dresserons devant toi pour te rejeter dans l’abîme ! » Voilà ce que dit le monde au pécheur, Margaret, ma chère fille. Je ne connais pas beaucoup l’Évangile, je ne l’ai plus relu depuis mon enfance, alors que j’en lisais à haute voix de longs chapitres à ma mère, pendant les calmes soirées du dimanche. Je vois encore l’antique petit parloir ; j’entends le tic-tac de la pendule qu’on remontait tous les