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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

visage adoré dont la splendeur faisait pâlir les autres beautés.

On annonça enfin la voiture, et Lovell eut fort à faire à surveiller les apprêts du départ des trois jeunes personnes, et l’installation des boîtes à chapeau, des châles, des sacs de voyage, des nécessaires, des livres multicolores, des parapluies, des ombrelles, et des albums à dessin qui sont les attributs particuliers des voyageurs féminins. Puis quand tout fut terminé, et qu’il eut salué pour la dernière fois pour remercier des petites mines et des sourires qu’on lui prodiguait, la voiture s’éloigna, disparut, et Arthur retourna lentement chez lui, pensant à l’événement du jour.

Laura était perdue pour lui à tout jamais. Ce terrible chagrin suspendu si longtemps au-dessus de sa tête était enfin tombé sur lui, et la souffrance n’avait pas été aussi cruelle qu’il l’avait imaginé.

— Je n’ai jamais eu d’espoir, — pensait-il en arpentant la route humide qui va des portes de Maudesley à la ville, — je n’ai jamais espéré véritablement que Laura serait ma femme.

La maison de John Lovell était une des meilleures de la ville de Shorncliffe. C’était une vieille maison bizarre avec un toit en dos d’âne, et des pignons en chêne massif ornés çà et là de curieux dessins sculptés par une main habile. Elle était grande, mais irrégulière et sans prétentions à l’extérieur. La lueur éclatante d’un bon feu brillait dans une chambre boisée, moitié salon, moitié cabinet. Les rideaux rouges n’avaient pas encore été tirés devant la fenêtre à petits carreaux. Arthur Lovell regarda dans la chambre en passant, et il y vit son père assis au coin du feu avec un journal à ses pieds.

Il n’était pas nécessaire de barricader les portes contre les voleurs et les vagabonds dans une ville paisible comme Shorncliffe. Arthur tourna le bouton de la