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HENRY DUNBAR

même pu être beau encore, sans l’air de méfiance visible sur sa figure, sans le dédain qui plissait sa lèvre supérieure.

Il avait environ cinquante-trois ans, et ses cheveux étaient gris, mais cette chevelure grise ne vieillissait pas sa physionomie. Sa taille droite, le port de sa tête, sa démarche élégante et même fière lui donnaient l’air d’un homme dans toute la vigueur de l’âge. Il portait sa barbe et une épaisse moustache brune qui grisonnait. Son nez était aquilin, son front haut et carré, son menton massif. La forme de sa tête et de sa figure dénotait une intelligence puissante. Ses membres longs et musculeux accusaient une grande force physique. Le son de sa voix lui-même et sa manière de parler laissaient percer une volonté énergique touchant à l’entêtement.

Il était dangereux d’offenser cet homme ! Résolu et tenace, il n’était pas facile de l’écarter de son but, quelle que fût la distance à parcourir entre le projet et l’exécution.

Tandis qu’il regardait sa fille occupée à coudre, de noires pensées plissaient son front, et jetaient sur sa figure un voile de sombre tristesse.

Et pourtant le tableau qui s’offrait à lui aurait pu difficilement déplaire à l’œil le plus exigeant. La figure de la jeune fille penchée sur son ouvrage était remarquablement belle. Ses traits étaient fins et réguliers comme ceux d’une statue ; ses grands yeux bruns étaient beaux : d’autant plus beaux peut-être qu’une douce mélancolie tempérait leur éclat naturel ; ses cheveux bruns et lisses qui entouraient son front blanc, bas et large, avaient une couleur qu’une duchesse eût enviée. La taille de la jeune fille, élancée et flexible, donnait de la grâce et de la beauté à une pauvre robe de cotonnade et à un col en calicot que plus d’une servante eût refusé de porter ; et le pied,