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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

qui passait sous la jupe trop courte, était effilé et arqué comme celui d’une almée.

Il y avait quelque chose dans le visage de Margaret, une expression indéfinie d’une nature vague et changeante qui lui donnait quelque ressemblance avec son père, mais cette ressemblance était bien faible. C’était de sa mère que la jeune fille tenait sa beauté. Elle avait hérité aussi de la nature de sa mère ; mais à sa douceur et à son bon caractère de femme se joignait en partie la résolution de son père, la force d’intelligence et l’énergie indomptable d’un homme décidé.

Margaret était une belle et aimable femme ; mais son ressentiment pour une grande offense devait être profond et durable.

— Madge, — dit Wentworth, déposant sa pipe à côté de lui et regardant sa fille bien en face, — je te contemple quelquefois au point de ne plus savoir que penser de toi. Tu parais contente et presque heureuse, bien que la vie monotone que tu mènes soit de nature à rendre folle plus d’une femme. N’as-tu pas d’ambition, ma fille ?

— Beaucoup, père, — répondit-elle en quittant des yeux son ouvrage et fixant son père avec une expression de tristesse ; — beaucoup… pour vous.

Le père haussa les épaules et poussa un profond soupir.

— C’est trop tard pour moi, ma fille, — dit-il ; — le temps est passé… le temps est passé… et l’occasion avec lui. Tu sais combien j’ai travaillé et lutté ; et comment j’ai vu mes espérances détruites après m’être donné, pour les réaliser, beaucoup plus de mal que s’en donna jamais un homme patient. Tu as été une bonne fille, Margaret… une noble fille ; et tu m’as été fidèle dans la joie comme dans la peine. La joie n’a pas été grande en comparaison de la peine, mais tu as tout supporté, tout enduré. Tu as été, à mon