Page:Braddon - Henry Dunbar, 1869, tome I.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
27
HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

Elle mit en parlant sa main dans celle de son père, et il la serra avec tant de force que la pâle figure de la jeune fille devint toute rouge de douleur.

— Es-tu sûre de cela, Madge ? — demanda-t-il en se courbant pour scruter de plus près le visage enthousiaste de son enfant.

— Tout à fait sûre, père.

— Rien ne pourra m’aliéner ton cœur ?

— Rien en ce monde !

— Et si je n’étais pas digne de ton amour ?

— Il m’est impossible de m’arrêter à cette idée, père. L’amour ne se mesure pas sur les mérites de ceux que nous aimons. S’il en était ainsi, il n’y aurait pas de différence entre l’amour et la justice.

Wentworth sourit de dédain.

— Oh ! il n’y a peut-être pas grande différence entre les deux, — dit-il : — l’un et l’autre sont aveugles. Bien, Madge, — ajouta-t-il d’un ton plus sérieux ; — tu es une noble et courageuse jeune fille, et je crois que tu m’aimes. Je m’imagine que si tu ne m’as jamais demandé le secret de ma vie, tu le devines assez, n’est-ce pas ?

Il observa attentivement la figure de la jeune fille. Elle courba la tête, mais ne répondit pas.

— Tu devines mon secret, n’est-ce pas ? Parle sans crainte, ma fille.

— Je crains bien que oui, cher père, — murmura-t-elle à voix basse.

— Parle, alors.

— Je crains que la raison pour laquelle vous n’avez jamais prospéré… pour laquelle tant de personnes sont contre vous… ne provienne de quelque erreur commise il y a longtemps, bien longtemps, à l’époque où vous étiez jeune et insouciant, et où vous saviez à peine l’importance de ce que vous faisiez. Cette erreur, vous l’avez expiée par la douleur et le repentir ; mais