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HENRY DUNBAR

Le commis prit un billet pour son frère à la première station. Mais Joseph continua à garder le silence.

Une heure s’écoula sans qu’il ouvrît la bouche.

Il n’avait pas d’affection pour son frère. Le monde l’avait endurci. Les conséquences de ses propres fautes, en retombant lourdement sur sa tête, avaient aigri sa nature. L’homme qu’il avait aimé et en qui il avait eu confiance était à ses yeux la cause première de sa honte et de sa misère, et cette pensée influait sur son opinion au sujet du reste des hommes.

Il ne pouvait croire en la bonté de personne, en se souvenant quelle avait été jadis sa confiance dans Henry Dunbar.

Les frères étaient seuls dans le compartiment.

Sampson regarda pendant quelque temps la sombre figure placée en face de lui, puis il se couvrit, en soupirant, le visage avec son mouchoir et se renversa dans un coin du compartiment. Mais il ne dormit pas ; il était agité et inquiet. Il se sentait faible ; ses oreilles bourdonnaient étrangement, et devant ses yeux obscurcis flottait un brouillard inaccoutumé. Il essaya de parler une fois ou deux, mais il lui sembla qu’il n’avait pas la force d’articuler les mots qui lui venaient à l’esprit.

Ensuite ses idées devinrent confuses. Le bruit du train en marche résonna d’une façon monotone à ses oreilles et devint de plus en plus fort à chaque instant jusqu’à ce qu’enfin il lui parût affreux, insupportable, et lui fît l’effet d’un coup de tonnerre perpétuel qui l’assourdissait et l’égarait.

Le train avançait rapidement vers Basingstoke, lorsque Joseph fut tout à coup tiré de sa sombre rêverie.

C’était quelque chose de terrible qui avait fait tressaillir le réprouvé et donné à sa figure une expression d’horreur.