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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

CHAPITRE IV

Le coup de la mort.

Le vieux commis était tombé de son siège et gisait immobile au fond du compartiment.

Il avait été frappé d’une troisième attaque de paralysie, depuis longtemps sans doute regardée comme inévitable, mais que sa rencontre inattendue avec son frère à la gare du chemin de fer avait peut-être hâtée.

Joseph s’agenouilla à côté de son frère inanimé. C’était un vagabond et un paria, et les scènes d’horreur n’étaient pas nouvelles pour lui.

Il avait vu la mort sous tous ses aspects divers, et la reine des Terreurs ne l’épouvantait guère. Il était endurci, plongé jusqu’au cou dans le crime, et les souffrances d’autrui le trouvaient insensible. L’amour qu’il éprouvait pour sa fille était peut-être le dernier rayon de sentiment que conservât sa nature perverse.

Mais il fit néanmoins tout ce qu’il put pour ranimer le vieillard sans connaissance. Il dénoua sa cravate, déboutonna son gilet, et porta la main au cœur pour voir s’il battait.

Le cœur battait par saccades, comme si l’âme fatiguée du vieux commis eût essayé faiblement de s’échapper de l’enveloppe terrestre qui la retenait.

— Il faudrait mieux peut-être que cette attaque fût fatale, — murmura Joseph, — j’irais ainsi tout seul au devant de Henry Dunbar.

Le train arriva à Basingstoke. Joseph mit la tête à la portière et appela un facteur à haute voix.