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HENRY DUNBAR

Là, il se fit donner un lit, et s’assura que l’Électre n’était pas encore arrivé.

Il soupa dans sa chambre, bien qu’on lui offrît de prendre son repas dans la salle commune. Il semblait désireux de fuir toute société et de n’avoir à parler à personne, et il s’abandonnait toujours aux noires pensées qui l’avaient assailli à la gare, dans la salle de l’auberge de Basingstoke et dans le wagon pendant son trajet avec son frère Sampson.

Quelles que fussent ses pensées, elles l’absorbaient si complètement qu’il ressemblait à un somnambule faisant tout machinalement sans savoir ce qu’il fait.

Mais malgré cela il fut très-actif, car il se leva le lendemain matin de bonne heure. Il n’avait pas dormi une heure dans toute cette longue nuit. Il avait pris toutes les attitudes, et s’était tourné et retourné dans son lit, songeant, songeant sans cesse jusqu’à ce que son cerveau n’eût plus qu’une puissance machinale et gît en dépit de lui-même.

Il descendit l’escalier, paya son souper et sa chambre à une servante endormie, et quitta la maison au moment où l’horloge de l’église, dans le vieux square à côté, sonnait huit heures.

Il se rendit tout droit dans la Grande-Rue, et entra dans tel boutique d’un marchand de confections. L’établissement était sur un certain pied, et un jeune homme enlevait les volets de la devanture sans se presser. Ce jeune homme paraissait être le seul occupant de la boutique pour le quart d’heure.

Il regarda Joseph d’un air dédaigneux, et le toisa lentement de la tête aux pieds en bâillant en même temps.

— Vous feriez mieux de vous retirer, — dit-il, — notre patron ne donne jamais rien aux vagabonds.

— Votre patron peut donner ou garder ce que bon lui semble, — répondit Joseph avec indifférence, — je puis