Page:Braddon - Henry Dunbar, 1869, tome I.djvu/52

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
HENRY DUNBAR

— Tu es un vagabond ! — murmura-t-il les dents serrées, — et tu en as l’air ! Tu es un paria, et tu en as l’air ! Mais qui t’a marqué de ce sceau ? Qui mérite le blâme pour tout le mal que tu as fait ? Quel est celui dont la trahison t’a fait ce que tu es ? Voilà la question !

Le maître de la boutique apparut, et jeta sur son chaland un regard perçant.

— Maintenant, écoutez-moi ! — dit Joseph lentement, mais avec résolution. — J’ai eu du bonheur depuis quelque temps, et je viens de gagner quelque argent. Je l’ai gagné honnêtement, entendez-vous, et je ne veux pas être questionné par une espèce de singe comme votre commis.

Le nonchalant jeune homme croisa les bras et s’efforça de prendre un air féroce, mais il eut soin de reculer un peu derrière son patron pour se montrer indigné.

Celui-ci sourit et salua.

— Nous serons heureux de vous servir, monsieur, — dit-il, — et je ne doute pas le moins du monde que vous soyez content. Si mon commis a été impertinent…

— Il l’a été, — interrompit Joseph, — mais je ne veux pas en faire une affaire. Il est comme tout le monde, et il croit que parce qu’un homme porte un habit râpé, il doit être un coquin. Voilà tout. Je lui pardonne.

Le nonchalant jeune homme, alors très-éloigné et abrité par son maître, murmura faiblement :

— Oh ! vraiment vous me pardonnez !… ah !… ah !… Comment donc !… est-ce bien vrai ?… Merci de votre peine !…

Et autres phrases railleuses.

— Je veux une toilette complète, — continua Joseph, — un habillement complet tout neuf : chapeau, bottes, parapluie, sac de voyage, une demi-douzaine de chemises, brosses, peignes, rasoirs, et tout ce qui s’ensuit. Et