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HENRY DUNBAR

pression varie à chaque émotion. Au repos, ils reflètent une sincérité mélancolique, une gravité pensive qui parle éloquemment des ombres qui sont venues assombrir cette existence. Les cheveux, séparés en deux bandeaux sur le plus beau front du monde, sont de la même nuance que les yeux et ondulent naturellement. Pour les autres traits du visage, je renverrai mon Nouveau-Zélandais aux tableaux des vieux maîtres italiens, dont sans doute il possédera une belle collection ; car c’est seulement sur les toiles de Raphaël Sanzio d’Urbino, du Titien et de leurs dignes élèves qu’on peut retrouver cette harmonie exquise, cette pureté des formes, et cette tendre délicatesse des contours que je contemplais ce soir-là sur le visage de Margaret Wentworth.

« Elle s’appelle Margaret Wentworth. C’est ce qu’elle me dit lorsque je lui eus expliqué, d’une manière diffuse, qui j’étais, et comment il se faisait que j’avais besoin de ses services. Pendant cette entrevue, il est probable que sa présence m’avait grisé par une influence subtile et mystérieuse plus puissante que les fumées de l’opium ou le suc des fleurs de lotus. Je sais seulement qu’après dix minutes de conversation, pendant lesquelles elle garda un calme parfait, je rouvris de nouveau la petite porte du jardin, très-embarrassé d’une main par le loquet, et de l’autre par mon chapeau, et que je sortis de ce paradis de vingt-quatre pieds carrés pour me retrouver sur le chemin poudreux.

« Je revins radieux chez ma mère, et lui dis que j’avais enfin réussi à trouver une dame qui satisfaisait à toutes les exigences, et qu’elle devait venir le lendemain matin, à onze heures, pour donner sa première leçon. Mais je me trouvai quelque peu embarrassé quand ma mère me demanda si j’avais entendu un morceau, si j’avais demandé le prix, si j’avais pris