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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

particulier pour contrefaire les signatures, mais qui jusqu’alors ne s’était pas servi de ce talent pour malfaire, de vous aider dans un projet à l’aide duquel vous deviez imposer silence à vos créanciers jusqu’au moment du payement ? Vous souvient-il de tout cela ? Oui, je vois que votre mémoire n’a rien oublié… la réponse est écrite sur votre figure et vous vous souvenez de moi… Joseph Wilmot.

Il se frappa la poitrine du poing et se tint debout les yeux fixés sur la figure du banquier. Ces yeux avaient une étrange expression, leur regard était ardent, vorace, comme si la vue de son vieil ennemi eût été pour cet homme animé d’une fureur vengeresse une espèce de nourriture qui le satisfaisait en quelque sorte.

— Je me souviens de vous, — dit Dunbar lentement.

Il était devenu affreusement pâle, et des gouttes de sueur froide perlaient sur son front ; il les essuya, en parlant, avec son mouchoir de batiste parfumé.

— Vous vous souvenez de moi ? — répéta l’autre sans aucun changement d’expression dans sa physionomie.

— Oui, et croyez bien que je regrette vivement le passé. Vous vous êtes figuré sans doute que j’avais agi cruellement envers vous dans cette malheureuse journée, à Saint-Gundolph Lane, mais je pouvais à peine faire autrement. J’étais si bien dans l’embarras moi-même qu’il ne fallait pas songer à m’enfoncer plus profondément dans le bourbier en intercédant pour vous. Pourtant, maintenant que je suis mon maître, je puis vous dédommager. Comptez sur moi, mon cher ami, j’expierai le passé.

— Expier le passé ! — s’écria Wilmot. — Pouvez-vous faire de moi un honnête homme, un membre respectable de la société ? Pouvez-vous effacer le stigmate d’infamie qui m’a été imprimé et me donner la position que sans vous j’aurais pu conquérir en ce monde ?