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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

pied sur le sol anglais, ils ont choisi une jolie manière de témoigner leur respect pour moi, et ils ont fait une sottise dont ils se repentiront tôt ou tard. Si vous êtes venu ici pour votre propre compte, dans l’espoir de m’épouvanter ou de m’extorquer de l’argent, vous vous êtes trompé. Si vous croyez vous jouer de moi avec votre tristesse sentimentale, vous vous trompez plus encore. Je vous en avertis carrément. Pour obtenir de moi quelque avantage, il faut que vous vous rendiez agréable. Je suis riche, et je sais récompenser ceux qui me plaisent, mais je ne veux être ennuyé ni tourmenté par personne au monde, et par vous moins que par tout autre. Si vous vous décidez à m’être utile, vous pouvez rester, sinon partez, et au plus vite, pour vous éviter l’humiliation d’être mis à la porte par le garçon.

À la fin de cette tirade, Wilmot releva la tête pour la première fois. Il était très-pâle ; des lignes étranges se dessinaient aux angles de ses lèvres comprimées ; et une lueur nouvelle brillait dans ses yeux.

— Je suis un pauvre niais, dit-il tranquillement, — un véritable imbécile de penser que quelque chose dans cette vieille histoire pouvait vous toucher le cœur, monsieur Dunbar. Croyez-moi, je ne vous offenserai pas une seconde fois. Ma vie n’a pas été très-sobre dans ces dernières années. J’ai eu une attaque de delirium tremens, et mes nerfs ne sont pas aussi forts qu’ils l’étaient autrefois, mais je ne vous ennuierai plus et je suis tout prêt à me rendre utile de la manière qui vous plaira.

— Trouvez-moi donc un indicateur du chemin de fer, et voyons les heures des trains. Je ne veux pas rester tout le jour à Southampton.

Wilmot sonna et demanda un indicateur. Dunbar le parcourut.

— Il n’y a pas d’express avant dix heures du soir, — dit-il, — et je ne me soucie pas de voyager par un