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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

d’appétit. Il avala quelques cuillerées de soupe, deux ou trois bouchées de poisson, puis il repoussa son assiette.

— C’est inutile, — dit-il en se levant et s’approchant de la fenêtre, — l’absence de mon compagnon m’inquiète sérieusement.

Il fit deux ou trois tours dans la chambre et revint de nouveau à la fenêtre, La nuit d’août était chaude et calme, l’ombre des vieux pignons de construction bizarre se projetait sur les pavés qu’éclairait la lune. La croix de pierre, la colonnade basse, et les tours solennelles de la cathédrale donnaient à la tranquille cité un air antique et vénérable.

Neuf heures et demie sonnèrent à l’horloge de la cathédrale pendant que Dunbar était à la fenêtre, à regarder dans la rue.

— Je coucherai ici ce soir, — dit-il tout à coup sans se retourner pour regarder le maître d’hôtel qui était derrière lui. — Je ne quitterai pas Winchester sans Wilmot. Il abuse réellement de moi avec trop de sans façon ; ce gaillard-là oublie dans quelle position il est auprès de moi.

Le banquier parlait du ton offensé d’un homme fier et égoïste qui se sent outragé par un inférieur. Le maître d’hôtel murmura quelques phrases toutes faites pour exprimer qu’il s’associait à l’indignation de Dunbar et désapprouvait tout à fait la conduite de son serviteur.

— Non, je ne partirai pas pour Londres ce soir, — reprit Dunbar, — quoique ma fille, ma fille unique, que je n’ai pas vue depuis seize ans, m’attende à ma maison de ville. Je ne m’éloignerai pas de Winchester sans Wilmot.

— Vous êtes bien bon, monsieur, — murmura le maître d’hôtel, — vous êtes bien bon de tant vous préoccuper de ce… hum !… de cette personne.