Page:Braddon - Henry Dunbar, 1869, tome II.djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
108
HENRY DUNBAR

En moins de trois minutes la porte se rouvrit et un homme entre deux âges, à l’air décidé, avec une barbe toute noire, une blouse en toile toute barbouillée de taches de couleurs, apparut sur le seuil de la chambre voisine, au milieu d’un nuage de fumée de tabac, semblable à une déité païenne ou à un génie africain récemment échappé de sa bouteille.

C’était le jeune Kerstall. Il se présenta lui-même à sir Philip et attendit pour savoir ce que ce visiteur avait à lui demander.

Philip lui expliqua l’affaire et raconta au peintre que, trente-cinq ans avant ce jour, le portrait de Henry Dunbar, fils unique de Percival Dunbar, le grand banquier, avait été fait par M. Michael Kerstall, artiste en vogue à cette époque.

— Il y a trente-cinq ans, — dit le peintre tirant sa barbe d’une façon méditative ; — il y a trente-cinq ans !… C’est un temps bien long, milord, et il n’est pas probable que mon père se souvienne de cette circonstance ; car j’ai le regret de vous dire qu’il a peine à se rappeler les événements qui se sont passés depuis quelques jours. La mémoire lui a fait défaut pendant bien longtemps. Vous voudriez savoir ce qu’est devenu le portrait de M. Dunbar ; je crois que c’est là ce que vous m’avez dit ?

Laura répondit à cette question, bien qu’elle fût adressée à son mari.

— Oui, nous voudrions voir cette peinture, si c’était possible, — dit-elle ; — M. Dunbar est mon père et il n’existe pas d’autre portrait de lui. Je voudrais donc être à même de voir ce portrait et de l’acquérir si cela se pouvait.

— Et vous croyez que mon père a emporté cette toile avec lui en Italie, quand il a quitté l’Angleterre, il y a plus de trente-cinq ans ?

— Oui ; mon grand-père me l’a dit souvent. Il perdit