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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

de bigarrures couleur chocolat au milieu d’un fond bleu d’outre-mer, monsieur, et l’on m’a dit que les jeunes gens appellent cela un ciel. Point de mentons pointus, de genoux et de coudes anguleux, et des cheveux rouges frisés… et l’on me dit que les jeunes gens appellent cela la beauté féminine. Non, monsieur, rien de ce genre dans mon temps. Il y avait dans mon temps un peintre français appelé David, et un autre peintre anglais appelé Lawrence, et ils peignaient des hommes et des femmes, monsieur, et ils instituèrent l’école du grand monde, monsieur. Vous mettiez un rideau rouge derrière votre modèle, vous placiez un chapeau de castor neuf, ou un rouleau de papier dans une main, et l’autre vous la jetiez négligemment dans le gilet en satin… du plus beau noir, monsieur, avec de fortes broderies dans le tissu… et votre modèle ressemblait à un gentilhomme. Oui, monsieur, si un ramoneur entrait dans votre atelier, il en sortait comme un gentilhomme.

Le vieillard eût continué à parler de la sorte pendant longtemps encore, car le pré-raphaélisme était son antipathie de prédilection ; et le personnage aux cheveux noirs qui se tenait derrière sa chaise était un membre enthousiaste de la confrérie des pré-raphaélistes.

Kerstall père paraissait tellement en possession de toutes ses facultés pendant qu’il discutait l’art moderne, que Laura commença à espérer que sa mémoire n’était pas aussi altérée que son fils le prétendait.

— Quand vous faisiez des portraits en Angleterre, monsieur Kerstall, — dit-elle, — avant d’aller en Italie, vous avez fait celui de mon père, M. Henry Dunbar ; qui était alors un jeune homme. Vous rappelez-vous de cette particularité ?

Laura fit cette question le cœur plein d’espoir, mais,