Aller au contenu

Page:Braddon - Henry Dunbar, 1869, tome II.djvu/116

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
112
HENRY DUNBAR

à sa grande surprise, Kerstall ne fit aucune attention à sa demande, et continua à divaguer sur la décadence de l’art moderne.

— On m’a dit qu’il y avait un jeune homme appelé Millais, monsieur, et un autre jeune homme appelé Holman Hunt… des enfants, rien de plus que des enfants, monsieur… et on m’a donné à entendre que, lorsque les œuvres de ces jeunes gens sont exposées à l’Académie royale de Londres, le monde s’attroupe autour de leurs œuvres et s’enthousiasme ; pendant que le portrait distingué d’un représentant, avec une colonne dans le goût corinthien et une draperie rouge dans le fond, n’attire pas plus l’attention qu’un évêque de demi-grandeur sur une toile vide. On me dit cela, monsieur, et je suis obligé d’y croire.

Et la pauvre Laura écoutait avec grande impatience ces discours sur la peinture. Mais Kerstall le jeune comprit son anxiété et vint à son secours.

— Mon cher père, lady Jocelyn serait heureuse de voir les tableaux qui sont serrés dans cette pièce, si vous n’avez point d’objection à ce que nous les déplacions.

Le vieillard sourit et s’inclina.

— Vous les trouverez distingués, — dit-il. — Vous les trouverez tous plus ou moins distingués.

— Pour sûr, vous ne vous rappelez pas d’avoir fait le portrait d’un M. Dunbar ? — dit Kerstall le jeune, se penchant tout en parlant sur le fauteuil de son père. — Essayez donc encore, père… essayez de vous souvenir… Henry Dunbar, le fils de Percival Dunbar, le grand banquier.

Kerstall père, dont le sourire était stéréotypé, salua, éclata de rire, se gratta la tête, et sembla plongé dans les abîmes d’une profonde pensée.

Laura en conçut une nouvelle espérance.

— Je me souviens d’avoir fait le portrait de sir