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HENRY DUNBAR

ment, — dit-elle. — Il me semble que j’ai vécu dans ces derniers temps dans une atmosphère d’énigmes mais je puis encore trouver le moyen d’être contente, Clément, tant que je vous aurai avec moi.

Clément retourna à Londres. La vie semblait pour ainsi dire s’être éloignée de lui, et il éprouvait ce qu’éprouverait un vieillard qui aurait perdu les heureuses chances de la vie, l’espoir du bonheur domestique et d’un intérieur agréable, l’opportunité d’une carrière utile et d’un nom honoré, et qui n’a plus rien à faire qu’à attendre patiemment que le lent courant de son existence vide se jette dans cette mer sans fond qu’on appelle la mort.

— Je me sens bien vieux, ma mère, — disait-il parfois ; — je me sens bien vieux !

Pour un homme dont la vie a été très-occupée, il n’y a pas d’ennui plus insupportable que l’oisiveté.

Clément sentait cela, et pourtant il n’avait pas assez de courage pour recommencer la vie, bien que des offres très-séduisantes lui eussent été faites par les maisons de commerce les plus considérables, dont les chefs étaient très-désireux de s’emparer du caissier bien connu de MM. Dunbar, Dunbar et Balderby.

Le pauvre Clément ne pouvait pas encore surmonter sa peine. Sa désillusion avait été trop cruelle, et il n’avait pas le courage de se soumettre au rude contact des gens d’affaires et de recommencer la vie. Il gaspillait les jours et les heures à réfléchir tristement sur le passé. Combien il avait été trompé, quel faible et malheureux fou il avait été, car il avait cru aussi fermement à la sincérité de Margaret qu’à la puissance de Dieu !

À la fin, une pensée nouvelle traversa l’esprit de Clément, une pensée qui plaçait l’honorabilité de Margaret sous un jour plus mauvais encore que celui où elle s’était révélée par son propre aveu.