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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

Il ne pouvait y avoir qu’une raison dans le changement subit de ses sentiments pour Dunbar. Le millionnaire avait acheté son silence. Cette jeune fille qui semblait la véritable incarnation de la pureté et de la candeur avait son prix, peut-être, aussi bien que d’autres gens, et Dunbar s’était acquis le silence de la fille de sa victime.

— C’est la connaissance intime de ce fait qui la faisait me fuir pendant cette nuit et crier qu’elle était une créature avilie, indigne d’unir son sort à celui d’un honnête homme. Oh ! Margaret, Margaret ! La pauvreté doit en effet être une école bien cruelle, si elle vous a rendue capable d’une pareille dégradation !

Plus Clément réfléchissait sur ce sujet, plus il arrivait avec une certitude plus absolue à ce raisonnement que le silence de Margaret avait été ou acheté par Dunbar, ou qu’il se l’était assuré par des menaces. Il se pouvait que le banquier eût effrayé la malheureuse enfant par quelque terrible menace qui pesait sur son esprit, et l’eût arrachée à l’homme qui l’aimait, qu’elle aimait peut-être, malgré les paroles cruelles qu’elle avait prononcées au moment de la séparation.

Clément ne pouvait croire complètement à l’avilissement de celle en qui il avait eu foi. Il allait et revenait sur le même terrain, essayant de découvrir certaine circonstance cachée, quelque invraisemblable qu’elle fût, qui pût expliquer ou justifier la conduite de Margaret.

Parfois, dans ses rêves, il voyait un visage bien connu qui le regardait d’un air pensif et presque de reproche, puis une figure sombre qui lui était étrangère venait se placer entre lui et cette ombre gracieuse, et dissipait la vision d’une main impitoyable. À la fin, à force de revenir toujours sur le même sujet et de plaider la cause de Margaret contre la triste et cruelle évidence des faits, Clément en vint à consi-