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HENRY DUNBAR

de chiens de berger au troupeau de l’humanité, et à être la terreur des animaux sauvages et pillards,

« M. Carter me raconta un grand nombre de ses expéditions pendant notre voyage à Winchester. J’écoutais ce qu’il me disait, mais je ne m’y intéressais pas. Je ne pouvais me rappeler qu’une chose, ne penser qu’à une chose : au mystère qui me sépare de la femme que j’aime.

« Plus j’y songe, plus je me confirme dans la conviction que je n’ai pas été la dupe d’une femme sans cœur ou cupide. Margaret a été influencée. Elle a porté la peine de son obstination à pénétrer jusqu’à Dunbar. D’une façon inexplicable, au moyen de quelque rouerie ou de quelque trahison, cet homme a déterminé la fille de sa victime à devenir le champion de son innocence au lieu de s’en faire l’accusatrice.

« Il doit exister une complication horrible, une fatalité cruelle, qui contraint Margaret à mentir à son cœur et à sacrifier son bonheur et le mien. Le jour de son départ de Shorncliffe, elle souffrait aussi cruellement que je pouvais souffrir ; je sais maintenant qu’il en était ainsi. Mais j’étais aveuglé alors par l’orgueil et la colère ; je n’avais conscience de rien que de mes propres douleurs.

« Trois fois dans le courant de mon voyage de Londres à Winchester j’ai tiré de mon portefeuille l’étrange lettre de Margaret, et j’ai lu ces lignes familières avec la pensée de me confier entièrement à mon compagnon, et de remettre cette lettre entre ses mains. Mais pour cela il faudrait lui raconter l’histoire de mon amour et de mon désenchantement ; et je ne puis me résoudre à le faire. Il se peut que cet homme découvre des idées cachées dans les paroles de Margaret, des idées qui sont tout à fait obscures pour moi. Je crois que l’art de l’agent de police renferme en soi la puissance de deviner les pensées