Page:Braddon - Henry Dunbar, 1869, tome II.djvu/142

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
138
HENRY DUNBAR

« Ce n’était pas chose bien agréable pour moi, que de rouvrir mes blessures au profit de M. Carter, l’agent de police, mais il eût été absurde de contrarier cet homme quand il travaillait dans le but de m’être utile. J’aimais trop Margaret pour oublier tout ce qu’elle m’avait jamais dit, même dans nos moments les plus heureux et les plus calmes ; et j’avais une raison particulière pour me rappeler cette cruelle entrevue d’adieu, et la scène étrange qui avait eu lieu dans le corridor du Grand-Cerf le soir de son retour de Maudesley Abbey. Je parcourus de nouveau ce terrain, par conséquent, pour l’édification de M. Carter, et je lui redis mot à mot tout ce que Margaret m’avait dit. Quand j’eus fini, il s’enfonça encore plus dans sa rêverie, pendant que je restais assis, écoutant le tic-tac d’un coucou placé dans le corridor au dehors de notre salon, et le bruit d’un pas quelconque sur le trottoir au bas de nos fenêtres.

« — Il n’y a qu’une chose qui me frappe spécialement dans tout ce que vous m’avez dit, reprit l’agent bientôt après, quand je me fus fatigué de l’examiner et quand j’eus donné loisir à mes pensées d’errer et de rétrograder vers cet heureux temps où Margaret et moi nous nous aimions en ayant foi l’un dans l’autre. Il n’y a qu’une chose qui me frappe dans tout ce que vous a dit la jeune fille, et ce sont ces mots : « Il n’y a que souillure à recueillir à mon contact, » vous a dit Mlle Wilmot. « Je suis indigne d’être liée au sort d’un honnête homme, » vous a dit encore Mlle Wilmot. Eh bien ! c’est comme si elle avait été achetée d’une manière ou d’une autre par M. Dunbar. Je l’ai retourné dans mon esprit de toutes les façons, et, quelle qu’en soit l’analyse, c’est toujours ce qui en résulte : la jeune femme a été achetée et elle a eu honte d’elle-même de s’être laissée corrompre.