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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

« Je dis à M. Carter que je ne pourrais jamais arriver à croire à une telle action.

« — Peut-être bien que non, monsieur, mais cela peut être vrai comme l’Évangile après tout. Il n’y a pas d’autre moyen d’expliquer la conduite de la jeune femme. Si M. Dunbar était innocent et était arrivé à convaincre la jeune femme de son innocence, elle serait arrivée à vous avec sa franchise et sa rondeur ordinaires pour vous dire : « Mon ami, je me suis trompée sur M. Dunbar et j’en suis très-désolée ; mais il nous faudra chercher ailleurs le meurtrier de mon pauvre père. » Mais que fait la jeune femme ? Elle va se blottir le long du mur d’un corridor, elle tremble et frissonne et dit : « Je suis une misérable ; ne m’approchez pas… ne me touchez pas. » C’est bien d’une femme de se laisser corrompre et ensuite de s’en montrer affligée.

« Je ne répondis rien à cela. C’était pour moi une chose odieuse et inexprimable que d’entendre parler de ma pauvre Margaret comme d’une « jeune femme » par mon rude compagnon. Mais il n’y avait pas moyen de garder voilés les mystères sacrés de mon cœur. J’avais besoin de l’appui de M. Carter. Pour le moment, Margaret était perdue pour moi, et mon unique espoir de pénétrer les causes cachées de sa conduite reposait sur l’aptitude de M. Carter à résoudre la sombre énigme de la mort de Joseph Wilmot.

« — Ah ! par parenthèse, dit l’agent, il y avait une lettre, n’est-ce pas ?

« Il étendait la main pendant que je cherchais la lettre dans mon portefeuille. Comme cette main me parut avide et inquisitoriale alors, et combien je haïssais l’agent de police, à ce même moment !

« Je lui donnai la lettre, et je ne gémis pas tout haut lorsque je la lui tendis. Il la lut lentement, une fois, deux fois, trois fois… cinq… six fois, je crois, en