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HENRY DUNBAR

tout… mettant les doigts de sa main gauche dans ses cheveux pendant qu’il lisait, et fronçant le sourcil à la vue du papier qu’il avait devant lui. Ce fut pendant qu’il lisait cette lettre pour la dernière fois que j’aperçus un subit rayon de lumière dans ses perçants yeux gris et une espèce de sourire se jouer autour de ses lèvres minces.

« — Eh bien ? lui dis-je d’un ton interrogateur au moment où il me rendait la lettre.

« — Eh bien, monsieur, la jeune dame (M. Carter cette fois appelait Margaret la jeune dame, et je ne pus m’empêcher de penser que sa lettre l’avait révélée aux yeux de cet homme comme un être différent de la classe ordinaire des femmes vulgairement appelées jeunes femmes), la jeune dame était sincère quand elle écrivait cette lettre, monsieur, me dit-il ; elle n’a pas été écrite sous la dictée de quelqu’un, et elle n’a pas été payée pour l’écrire. Il y a du cœur là dedans, monsieur, si je puis me permettre cette expression ; il y a du cœur de femme dans cette lettre ; et quand une femme a donné une libre carrière à son cœur, sa cervelle se ratatine comme de l’amadou. Je mets cette lettre avec le discours tenu dans le corridor du Grand-Cerf, monsieur Austin, et des deux je pense véritablement pouvoir faire le plus bizarre quatre qui fut jamais additionné par un agent de première classe.

« Un faible éclat, qui ressemblait à un rayonnement de plaisir, éclaira toute la face blême de M. Carter pendant qu’il parlait, et il se leva et marcha tout autour de la chambre, non lentement et pensivement, mais d’un pas vif et déterminé qui était nouveau pour moi. Je pus voir que son entrain s’était accru de plusieurs degrés depuis la lecture de la lettre.

« — Vous avez trouvé une piste ? lui dis-je ; vous voyez votre chemin ?…