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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

s’était opéré dans ses manières après la lecture de la lettre de Margaret m’avait inspiré une nouvelle confiance en lui, et j’étais plus à même d’attendre le résultat des événements. Petit à petit la gravité de la nature du travail dans lequel je m’étais engagé augmenta d’importance dans mon esprit, et je sentis que j’avais quelque chose de plus à faire que de me rendre compte de la conduite de Margaret : j’avais à remplir un devoir envers la société, en prêtant mon concours le plus puissant pour la découverte du meurtre de Wilmot.

« S’il était permis à l’assassin de ce pauvre homme, de vivre, de prospérer, et de porter la tête haute comme maître de Maudesley Abbey, et associé principal d’une grande maison de la Cité qui depuis un siècle et demi porte un nom honorable, une sorte de prime d’encouragement était offerte au crime dans les sphères élevées. Si Dunbar avait été un être mourant de faim, qui dans un moment de folie et de fureur contre les inégalités de l’existence eût levé son bras décharné pour frapper son frère opulent pour un morceau de pain, tous les agents de police eussent été comme des chiens à la piste de ses pas furtifs, épiant son visage coupable, et ils eussent été attachés à ses trousses jusqu’à ce qu’ils l’eussent amené à son horrible fin. Mais parce que dans le cas présent l’homme soupçonné avait toutes les vertus suprêmes comprises dans des millions, la justice revêtait son plus épais bandeau, et les agents, si habiles pour traîner un malheureux de basse extraction au gibet, se tenaient à distance, et disaient avec respect : « M. Dunbar est un homme trop haut placé pour s’être rendu coupable d’un crime diabolique. »

« Ces pensées remplissaient mon esprit, tandis que je m’en retournais à l’Hôtel George avec M. Carter.

« Il était six heures et demie comme nous entrions