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HENRY DUNBAR

dans la maison où le dîner nous attendait depuis une demi-heure, au grand regret du plus courtois des garçons, qui exprima une inquiétude très-grande au sujet du poisson.

« Comme cet homme papillonnait toujours autour de nous pendant le dîner, je m’attendais à chaque instant à voir M. Carter aborder le seul thème qui fût de quelque intérêt soit pour lui soit pour moi. Mais il était trop prudent pour agir ainsi ; il parla de la ville, des dernières assises, de l’état de la campagne, du temps, de la prospérité de la saison où l’on pêchait la truite, de tout, excepté de l’assassinat de Wilmot. Ce ne fut seulement qu’après le dîner, quand un spécimen de dessert pétrifié, sous la forme de figues, d’amandes, de raisins et de biscuits rassis fut apporté sur la table, que l’affaire sérieuse s’engagea. Les escarmouches préliminaires n’avaient pourtant pas été sans dessein ; car le garçon avait été un peu animé et mis en dispositions communicatives, et il était maintenant tout prêt à nous dire tout ce qu’il savait.

« Je déléguai tous mes pouvoirs d’arrangement à mon compagnon, et c’était chose merveilleuse de voir M. Carter étendu dans son fauteuil, tenant à la main ce qu’il appelait la carte des vins, et délibérant entre un porto de 1842 léger et élégant, et un porto de 1845 d’un bouquet plus riche et plus foncé de nuance.

« — Je crois que nous-ferons bien d’essayer le numéro 15, dit-il, en tendant au garçon la liste des vins après mûre réflexion ; décantez-le soigneusement, dans tous les cas. J’espère que votre cave n’est point froide.

« — Oh ! non, monsieur, le patron est très-soigneux de sa cave.

« Le garçon s’éloigna, persuadé qu’il avait affaire à deux connaisseurs.

« — Vous avez à écrire ces lettres avant dix heures,