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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ
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mission d’aller fumer un ou deux cigares dans la Grande Rue. Il partit et j’achevai ma lettre à ma mère. C’était jour de pleine lune ; mais ses rayons étaient fréquemment obscurcis par les nuages noirs que chassait le vent. Je sortis pour jeter ma lettre à la poste, et ce fut avec plaisir que je laissai le vent frais écarter mes cheveux de mon front, car les émotions de la journée m’avaient donné un mal de tête affreux.

« Je mis ma lettre à la boîte dans une petite rue voisine de l’hôtel. En quittant la poste pour retourner dans la Grande Rue, je tressaillis à l’apparition d’une figure de jeune fille du côté de la rue opposé à celui où je me trouvais, d’une figure de jeune fille si semblable à Margaret, que sa présence dans cette rue me remplit d’un sentiment de terreur vague comme si cette enfant, avec ses vêtements flottant au vent, avait été un fantôme.

« Comme de juste, j’attribuai ce sentiment à sa cause réelle, qui n’était rien autre chose que l’état de surexcitation de mon cerveau. Cependant je me déterminai à éclaircir l’affaire, et, dans ce dessein, je traversai la rue et je rejoignis la jeune personne, dont le visage était complètement caché par un voile épais.

« — Mlle Wilmot !… Margaret ! lui dis-je.

« Il me semblait impossible que Margaret fût à Winchester, et j’avais sans doute raison de faire cette supposition, car la jeune personne se détourna brusquement de moi et passa de l’autre côté, comme si elle avait pris l’erreur que j’avais commise pour une insulte préméditée. Je la suivis du regard dans sa marche rapide dans la rue étroite, jusqu’à ce qu’elle eût brusquement tourné le coin et disparu. Lorsque je l’aperçus pour la première fois, alors que je me trouvais près du bureau de poste, les rayons de la lune l’avaient