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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ
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L’homme que j’avais vu et à qui j’avais parlé n’était donc pas Dunbar, mais bien Wilmot, l’assassin de son maître, l’assassin de propos délibéré de l’homme qu’il allait recevoir après son absence de trente-cinq ans d’Angleterre !

« — Mais ce guet-apens est impossible, m’écriai-je enfin. J’ai vu à Saint-Gundolph Lane des lettres de la main de Dunbar, écrites depuis le mois d’août dernier.

« — Ceci est bien possible, répondit tranquillement l’agent. J’ai recherché l’histoire de Wilmot en même temps que je lisais les détails de ce meurtre. Cet homme a été déporté pour trente ans à l’île de Norfolk pour crime de faux. C’était un des individus les plus habiles à contrefaire toute espèce d’écritures parmi ceux qui se sont jamais assis sur les bancs de Old Bailey. Il avait la réputation d’un des escrocs les plus entreprenants, d’un habile et hardi coquin, mais il ne laissait pas d’avoir quelques qualités. À l’île de Norfolk il travailla avec tant d’ardeur et se conduisit si bien qu’il fut gracié avant d’avoir fait la moitié de sa peine. Il revint en Angleterre, il fut aperçu à Londres, et on le soupçonna d’être compromis dans divers délits, tels que la fabrication de cartes biseautées et de fausse monnaie, mais on ne put prouver sa culpabilité. Je crois qu’il essaya de gagner honnêtement sa vie, mais il ne put y réussir. Il avait sur lui le stigmate du gibier de potence, et s’il rencontra jamais une chance, elle lui fut enlevée avant qu’on eût pu éprouver la sincérité de son apparente contrition. Voilà son histoire et celle de beaucoup de ses semblables.

« Et Margaret était la fille de cet homme !… Un indicible sentiment de tristesse s’empara de moi à cette pensée. Je comprenais tout maintenant. Cette noble fille avait héroïquement repoussé la vie heureuse et