Page:Braddon - Henry Dunbar, 1869, tome II.djvu/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
164
HENRY DUNBAR

tranquille qui s’offrait à elle plutôt que d’infliger à son mari la tache des crimes de son père. Je le voyais bien maintenant. Je revoyais son visage blême, pétrifié par une angoisse sans nom, ses yeux fixes et dilatés, et je me peignais l’horreur de la scène qui avait eu lieu à Maudesley Abbey quand le père et la fille s’étaient trouvés tête à tête et que Margaret avait découvert pourquoi le meurtrier avait tant persisté à se cacher d’elle.

« Le mystère que me dérobait le renoncement de ma fiancée était éclairci, mais ce que je voyais était si horrible que je me pris à regretter le temps de mon ignorance et de mon incertitude. N’eût-il pas mieux valu pour moi laisser Margaret suivre sa fantaisie et emporter avec elle son sublime sacrifice ? N’eût-il pas mieux valu laisser le noir secret du meurtre caché à tous excepté au terrible Vengeur dont les jugements atteignent le pécheur dans sa retraite la plus profonde et le poursuivent jusqu’au tombeau ? N’eût-il pas mieux valu que les choses se fussent passées ainsi ?

« Non ! mon propre cœur me dit que cet argument était faux et lâche. Tant que les relations d’homme à homme subsisteront, tant que les lois existeront pour la protection du faible et la punition du méchant, le cours de la justice ne doit recevoir d’empêchement d’aucun intérêt personnel.

« Puisque le père de Margaret avait commis ce crime odieux, il devait en subir le châtiment, quoique le cœur brisé de son innocente fille dût être sacrifié à son iniquité. Si par une étrange fatalité, moi, qui aimais si tendrement cette enfant, j’avais accéléré la venue de ce jour fatal, je n’avais été qu’un aveugle instrument dans le grand dessein de la Providence, et je n’avais pas raison de regretter la découverte de la vérité.