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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

« Le garçon allait et venait lentement dans la chambre ; mais quoique j’eusse remarqué qu’il me regardait d’un air fin une ou deux fois, il ne me parla qu’au moment de sortir, et il me dit qu’il y avait sur la cheminée une lettre pour moi, arrivée par le courrier du soir.

« J’avais eu cette lettre devant les yeux toute la soirée, mais ma préoccupation m’avait empêché de la voir.

« Elle était de ma mère. Je l’ouvris quand le garçon m’eut quitté, et je lus les lignes suivantes :

« Mon cher Clément. — J’ai reçu ce matin avec plaisir notre lettre qui m’annonce votre arrivée sans encombre à Winchester. Je suis assurément une vieille radoteuse, mais dès que vous me quittez, si court que soit votre voyage, je me mets à songer aux accidents de chemins de fer et à toutes sortes de calamités possibles et impossibles.

« Hier matin, j’ai été très-surprise de recevoir la visite de Margaret. Je l’ai reçue très-froidement tout d’abord, car bien que vous ne m’ayez jamais dit pourquoi votre engagement a été si brusquement rompu, je ne puis m’empêcher de penser que le tort est de son côté, car je vous connais trop bien, mon cher enfant, pour vous supposer capable d’inconstance ou de dureté de cœur. Je pensai donc que sa visite était un peu inopportune, et je lui laissai voir que mes sentiments à son égard n’étaient plus les mêmes qu’autrefois.

« Mais, cher Clément, quand je vis le changement survenu dans cette malheureuse jeune fille, mon cœur s’adoucit immédiatement, et il me fut impossible de lui parler froidement ou durement. Jamais vous n’avez vu de changement comparable. La jeune fille s’est transformée en femme hâve et flétrie. Ses manières sont aussi changées que son aspect. Elle avait une inquiétude fiévreuse qui me