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HENRY DUNBAR

glaça le sang dans les veines ; ses lèvres tremblaient pendant qu’elle parlait, et ses paroles semblaient mourir sur ses lèvres. Elle désirait vous voir, me dit-elle, et quand elle a appris que vous étiez absent, elle a paru au désespoir. Mais après, quand elle m’eut posé bon nombre de questions et que je lui eus dit que vous étiez a Winchester, elle se leva brusquement et se mit à trembler de la tête aux pieds.

« Je sonnai, je fis apporter du vin et je lui en fis boire. Elle ne le refusa pas ; bien au contraire, elle le but avidement et me dit : J’espère que cela me donnera des forces. Je suis si faible, si faible, et j’ai tant besoin de mes forces… » Je la priai de rester et de prendre quelque repos, mais elle ne voulut pas m’écouter. Il fallait qu’elle retournât à Londres, me dit-elle, et qu’elle y fût à une époque fixée. Tous mes efforts pour la retenir furent impuissants. Elle me prit les mains, les pressa contre ses lèvres pâlies, et s’enfuit, si différente de la Margaret des premiers jours, qu’une idée terrible me traversa l’esprit et que je commençai à craindre qu’elle ne fût folle. »

« Le reste de la lettre parlait d’autres choses ; mais je ne pus songer qu’au récit que ma mère me faisait de la visite de Margaret. Je compris son agitation en apprenant mon voyage à Winchester. Elle savait qu’il n’y avait qu’un seul motif qui pût m’y mener. Je vis alors que cette silhouette bien connue qui m’était apparue éclairée par la lune n’était pas un fantôme de mon imagination surexcitée. Je ne doutais pas que ce ne fût celle de la noble femme que j’aimais, de la fille héroïque qui m’avait suivi à Winchester, et s’était attachée à mes pas dans le fol espoir de se jeter entre son père et le châtiment réservé au crime de celui-ci.

« J’avais été suivi dans la rue la nuit précédente, suivi cette dernière nuit dans le petit bois. Le bruissement de la robe, l’ombre qui s’était évanouie