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HENRY DUNBAR

n’ai pas eu un instant de repos. Depuis trois nuits je n’ai pas fermé l’œil. J’ai couru de ville en ville, et me voici, épuisée, prête à tomber à vos pieds. Il faut pourtant que je vous dise… mais les mots… les mots…, ne me viennent pas…

Elle montra ses lèvres sèches qui s’agitaient sans produire aucun son. Il y avait un flacon d’eau-de-vie sur la table voisine du canapé. C’était un compagnon que Wilmot abandonnait rarement. Il saisit le flacon et le verre, versa une partie de la liqueur, et porta le verre aux lèvres de sa fille. Margaret but avec avidité. Elle aurait bu du feu si cela avait pu lui donner l’énergie nécessaire pour accomplir son dessein.

— Il faut quitter cette maison sans tarder ! — s’écria-t-elle sans reprendre haleine. — Il faut quitter le pays, aller n’importe où, pourvu que vous soyez en sûreté. Ils vont venir vous prendre… tout à l’heure, peut-être !

— Ils vont venir ! Qui ?

— Clément Austin… et un homme… un agent de police…

— Clément Austin… ton futur… ton ami ?… Tu m’as donc trahi, Margaret ?

— Moi !… — s’écria la jeune fille en regardant son père.

Il y eut quelque chose de sublime dans le ton dont ce mot fut prononcé, quelque chose de superbe dans le visage de la jeune fille quand son regard rencontra le regard effaré du meurtrier.

— Pardonne-moi, mon enfant ! Non… non… tu ne ferais pas cela, même pour un misérable de mon espèce.

— Mais vous allez fuir… vous allez vous mettre à l’abri de leurs atteintes.

— Qu’ils viennent quand il leur plaira ; il n’y a pas de preuves contre moi.