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HENRY DUNBAR

attentivement et avec anxiété, mais maintenant son visage exprimait l’horreur la plus profonde. Il croyait avoir rendu la découverte impossible. Il n’y avait qu’un seul témoignage qui pût se dresser contre lui, c’était le paquet de vêtements, des vêtements marqués au nom de la victime, ces vêtements maudits qu’il n’avait pu détruire, qu’il avait seulement pu cacher. C’étaient ces vêtements qui pouvaient seuls prouver sa culpabilité ; mais qui aurait jamais l’idée de chercher ces vêtements ? Maintes fois il avait songé au paquet caché au fond de la rivière et il avait ri de cette science de découverte qui avait reculé, mise à néant par un mystère aussi simple, et il s’était peint les rats rongeant les vêtements du défunt et la pourriture et la vase pénétrant dans les plis et transformant l’étoffe de telle sorte qu’elle fût confondue avec les herbes aquatiques qui croissaient autour et l’enveloppaient de leurs réseaux serrés.

Voilà quelles avaient été ses pensées ; aussi la nouvelle que des étrangers étaient revenus dans ce lieu fatal pour y draguer la rivière, cette rivière terrifiante qui avait si souvent coulé à travers ses songes, roulant avec ses ondes, non pas un, mais mille visages dont les yeux menaçants étaient tournés vers lui, l’idée qu’on avait fait des recherches en cet endroit, l’atteignit-elle comme un coup de foudre.

— Pourquoi draguaient-ils la rivière ? — répétait-il encore.

Sa fille se tenait à quelque distance de lui. Elle s’était reculée un peu involontairement, comme une femme s’éloigne d’un animal qui l’effraye. Le misérable s’en aperçut, oui, dans la tempête d’idées qui s’agitaient en lui, cet homme s’aperçut que sa fille l’évitait.

— Ils draguaient la rivière, — répondit Margaret. — Pendant ce temps, j’errais dans les environs…