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HENRY DUNBAR

terreur perpétuelle de la crise qui était enfin arrivée. Il s’était représenté toutes les situations possibles. Il n’avait pas oublié une seule des précautions qu’il avait été en son pouvoir d’imaginer. Mais il avait espéré prendre les devants. Il avait comploté sa fuite de Maudesley Abbey pour la première heure où il se sentirait capable de supporter le voyage. Il voulait exécuter ce dessein lorsque, par cette soirée d’hiver où le son des cloches dominicales ne lui parvenait qu’assourdi par la neige qui tombait en flocons épais, il était parti avec l’intention de ne jamais revenir à Maudesley Abbey. Il voulait quitter l’Angleterre et voyager bien loin, dans les pays les moins fréquentés, choisissant les lieux de l’accès le plus difficile et les moins connus de ses compatriotes.

Voilà quel était son dessein, et il avait calculé que, au pis aller, sa conduite serait regardée comme excentrique, ou peut-être très-naturelle chez un homme sédentaire dont l’unique enfant était entrée dans une sphère supérieure à la sienne. Voilà ce qu’il voulait faire, et, petit à petit, quand le monde l’aurait perdu de vue, il avait résolu de se cacher à l’abri d’un nouveau nom et d’une nouvelle nationalité, de telle sorte que si, par une étrange fatalité, par l’intervention de la Providence, le secret de la mort de Dunbar revenait au jour, le meurtrier serait aussi éloigné de la main de la justice des hommes que si la tombe s’était ouverte pour lui et l’eût caché à tout jamais.

Voilà quel était le plan de Wilmot. Il avait eu le temps de l’élaborer pendant les longues nuits qu’il avait passées dans ces somptueux appartements, dans ces salons splendides dont la magnificence lui avait été plus horrible que les murs blancs de la cellule du condamné ; dont l’atmosphère lui avait paru plus suffocante que les exhalaisons fétides d’un bouge enfiévré de Saint-Giles. Le désir passionné et vindicatif de