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HENRY DUNBAR

eaux bleues s’écoulaient sous les rayons du soleil ou fuyaient à l’ombre avec un doux murmure, quelques minutes avaient suffi à Wilmot pour commettre un acte qui lui avait donné le plus riche butin que jamais meurtrier eût rêvé et qui avait tellement transformé son existence, si complètement changé tout son être, que lorsqu’il quitta le bois il n’était pas seul, mais il était suivi par une créature gigantesque, monstre hideux qui répétait jusqu’à ses soupirs, le suivait pas à pas, s’attachait à lui, lui saisissait la gorge, et lui montait sur la poitrine ; une horrible chose sans forme et sans nom, mais qui cependant revêtait toutes les formes et prenait tous les noms, et qui était le spectre de l’action qu’il avait commise.

Wilmot demeura quelque temps les mains crispées sur son front, puis son visage se rasséréna et devint tout à coup sévère et résolu. Le premier sentiment de terreur, le premier choc de la surprise étaient passés. Cet homme n’avait jamais été et ne pouvait jamais être un lâche. Il était prêt maintenant à tout événement. Peut-être était-il heureux que le moment redouté fût venu. Il avait souffert une angoisse tellement indicible, des tortures si indescriptibles pendant le temps où son crime avait été caché, qu’il put ressentir une sorte de soulagement de la découverte du secret et de la liberté qu’il avait de laisser tomber le masque. Pendant qu’il était là, cherchant ce qu’il convenait de faire, il lui vint sans doute quelque heureuse idée, car son visage s’illumina soudain d’un sourire de triomphe.

— Mon cheval, — dit-il. — Je puis monter à cheval, quoique je ne puisse pas marcher.

Il prit sa canne et passa dans le salon voisin où il y avait une porte qui ouvrait sur le jardin quadrangulaire dans lequel le propriétaire du château avait fait construire une écurie provisoire pour son cheval fa-