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HENRY DUNBAR

ment supporté. Es-tu prête à de nouvelles épreuves ?

— Pour vous, mon père, pour vous ! Oui, oui, je braverai tout au monde, je ferai tout pour vous sauver de…

Elle frissonna à l’idée du danger qu’il courait et à l’horreur duquel la fuite seule pouvait le soustraire. Non, non, pour rien au monde il ne fallait s’y soumettre, il n’y avait pas de sacrifice trop grand pour y échapper. Il n’y avait pas de résignation féminine, pas d’espoir dans la clémence de Dieu qui pût la faire accepter cela.

— J’ai confiance en toi, Margaret, — dit Wilmot ôtant sa main de l’épaule de sa fille ; — j’ai confiance en toi. N’ai-je pas raison ? N’ai-je pas vu ta mère, quand elle apprit mon histoire véritable, ne l’ai-je pas vue devenir blanche comme un linge ; puis, un moment après, me presser dans ses bras et ses regards honnêtes me fixer en me disant : « Ami, je ne t’en aimerai pas moins ; rien au monde ne me fera te moins aimer ! »

Il y eut un silence. Sa voix était devenue sourde et rauque ; puis tout à coup il s’écria :

— Grand Dieu ! que fais-je donc ? Je m’arrête à causer ici quand les moments sont précieux. Écoute-moi, Margaret, si tu veux me revoir, tu te rendras par une voie quelconque à Woodbine Cottage, près de Lisford, sur la route de ce village, je crois. C’est là que tu iras. J’y vais moi-même de ce pas, et j’y serai bien avant toi, tu m’as compris ?

— Oui ; Woodbine Cottage, Lisford… je n’oublierai pas ! Dieu vous conduise et Dieu vous protège, père ! Il est le Dieu des pécheurs, pensait la malheureuse jeune fille, il a donné de longues années à Caïn pour se repentir de ses crimes.

C’était à quoi pensait Margaret arrêtée près de la porte et prêtant l’oreille pour écouter le bruit du galop du cheval sur le chemin retentissant qui s’enfonçait dans le parc.