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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

Elle était fatiguée, bien fatiguée, mais elle n’avait pas conscience de sa fatigue. Sa tâche n’était pas encore terminée. Elle ne se retourna pas pour revoir Maudesley Abbey, cette demeure splendide et luxueuse dans laquelle un misérable avait joué son rôle et souffert la peine de ses crimes pendant de longs mois. Elle s’éloigna précipitamment en suivant les sentiers solitaires, tandis que la brise nocturne chassait ses cheveux en désordre sur son visage et l’aveuglait presque, elle s’éloigna afin de retrouver la porte par laquelle elle s’était introduite dans le parc.

Elle se rendit à cette porte parce que c’était le seul endroit par lequel elle pût quitter le domaine sans être vue par le gardien d’une des portes principales. Le jour commençait à poindre avant qu’elle eût pu rencontrer quelqu’un qui la dirigeât vers Woodbine Cottage. Enfin elle vit sortir d’une ferme un homme tenant dans chacune de ses mains un pot au lait. Cet homme lui montra la direction de la route de Lisford.

Il était grand jour quand elle atteignit la petite porte du jardin situé devant la maison du major Vernon. Il était grand jour, et la porte conduisant dans une première antichambre était entr’ouverte. La jeune fille poussa cette porte et tomba évanouie dans les bras d’un homme qui l’attendait.

— Pauvre fille, pauvre enfant ! — dit Wilmot ; — comme elle a souffert ! Et moi qui croyais que ce crime lui serait profitable, qu’elle consentirait à recevoir l’argent sans chercher à percer le mystère. Ma pauvre fille ! ma pauvre malheureuse enfant !

L’homme qui avait assassiné Dunbar sanglotait sur le visage décoloré de sa fille évanouie.

— Assez de folies, — cria du parloir une voix rude. — Le temps nous presse trop pour l’employer à pleurnicher.