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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

Ce subordonné était un homme d’âge moyen, d’un extérieur respectable, la peau décolorée semée de taches de rousseur, les yeux noirs bordés de rouge, et la chevelure d’un roux pâle. Son aspect n’était pas des plus agréables et il possédait en outre une habitude de se mordiller les lèvres et de grincer des dents lorsqu’il ne parlait pas ou qu’il ne mangeait pas, qui était très-énervante à contempler. Carter ne l’en estimait pas moins, non à cause de son habileté, mais pour son apparence complètement stupide. Il portait le sobriquet de Sawney Tom, et il valait son pesant d’or dans certaines occasions, quand il fallait que quelque simple campagnard ou quelque innocent apprenti mercier jouât son rôle dans le drame de la police de sûreté.

— Sawney, vous emporterez quelques-uns de vos joujoux, — dit Carter. — J’en accepterai un autre, s’il vous plaît, madame. Il suffit de trois minutes et demie pour l’amener au point convenable.

Cette dernière remarque s’adressait à Mme Sawney Tom, ou plutôt à Mme Thomas Tibbles, Tibbles était le nom de Sawney Tom, qui était occupée à faire cuire des œufs à la coque et à préparer des rôties de pain pour le patron de son mari.

— Vous emporterez vos joujoux, Sawney, — continua l’agent, — la bouche pleine de rôtie beurrée, nous ne pouvons pas prévoir la peine que nous donnera ce lapin-là, parce que, voyez-vous, un individu capable de jouer le jeu hardi qu’il a joué et de s’y maintenir pendant près d’un an, est capable de tout. Il n’est rien qu’il considère comme au-dessous de lui. Aussi, quoique tout me porte à croire que nous prendrons notre ami de Maudesley aussi tranquillement qu’on peut prendre un enfant dans son berceau, faut-il cependant nous préparer à tout événement.

Tibbles, qui était d’humeur taciturne et qui pendant