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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

— Je ne puis vous le dire maintenant, madame, — répondit l’agent, — mais je vous donne ma parole d’honneur que j’ai d’excellentes raisons pour vous la faire.

— Très-bien alors, monsieur, je vais vous répondre franchement, — dit Laura en se retournant et en regardant Carter en face. — Je vais vous répondre parce que je pense que vous êtes un honnête homme. Il n’y a que très-peu d’affection entre mon père et moi. C’est un malheur peut-être, mais qui ne s’explique que trop bien, car nous avons été séparés pendant si longtemps, qu’à notre première entrevue, après cette séparation, nous avons paru étrangers l’un à l’autre, et j’ai senti entre nous une barrière que rien ne saurait abaisser. Dieu sait, cependant, avec quelle anxiété j’attendais mon père à son retour de l’Inde, et quel désappointement je ressentis lorsque je découvris insensiblement que nous ne serions jamais l’un pour l’autre ce que les autres pères et les autres enfants, qui n’ont jamais connu la longue amertume de l’absence, sont entre eux. Mais veuillez remarquer que je ne me plains pas ; mon père a été très-bon, très-indulgent et très-généreux pour moi. La dernière chose qu’il fit, avant l’accident qui l’a retenu malade si longtemps, fut un voyage à Londres dans le dessein d’acheter des diamants pour un collier qu’il voulait me donner comme cadeau de noce. Je ne fais pas allusion à cela, parce que je tiens aux joyaux ; mais je suis heureuse de constater que, en dépit de sa froideur, mon père a quelque affection pour son unique enfant.

Carter ne regardait pas Laura. Il avait les yeux fixés sur un objet au dehors, et son regard avait cette fixité qu’il avait eue déjà en se reposant sur Clément pendant que le caissier racontait son histoire.

— Un collier de diamants ! — dit-il. — Hum !… hum !… oui… oui… c’est cela ! — Tout cela à mi-voix