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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

— Oh ! non, non, pas du tout, — répondit Margaret, — j’étais assise à ne rien faire, à songer…

— À songer à votre échec d’aujourd’hui, je suppose ?

— Oui.

Il y eut une pause durant laquelle Margaret se rassit auprès de la petite table, tandis que Clément arpentait le salon en réfléchissant.

Tout à coup il s’arrêta brusquement, appuya son coude sur le coin de la cheminée, en face de Margaret, et regarda la figure pensive de la jeune fille. Elle avait rougi lorsque le caissier était entré dans le salon, mais elle était très-pâle maintenant.

— Margaret, — dit Clément (c’était la première fois qu’il appelait la protégée de sa mère par son nom de baptême, et la jeune fille releva la tête avec surprise) ; — Margaret, ce qui est arrivé aujourd’hui me fait croire que votre conviction n’est que l’horrible vérité et que M. Dunbar, le seul parent qui survive de ces deux hommes que j’ai appris à honorer et à révérer depuis mon enfance, est effectivement coupable de la mort de votre père. S’il en est ainsi, la justice demande que le crime de cet homme soit exposé au grand jour. Je suis un peu de l’opinion de Shakspeare, je crois que le meurtre, de façon ou d’autre, transpire tôt ou tard. Mais je pense que dans cette affaire la police a été d’une négligence coupable. Il semble qu’elle ait craint de poursuivre trop activement ses recherches de peur qu’elles n’amenassent la découverte de la culpabilité de M. Dunbar.

— Vous croyez que les agents ont été corrompus ?

— Non, je ne crois pas cela. On dirait qu’il existe de par le monde une croyance populaire qui veut qu’un homme riche à millions ne puisse malfaire. Je ne pense pas que la police ait été coupable, je crois plutôt qu’elle a manqué d’énergie. Les agents se sont laissé décourager par les difficultés de l’enquête. D’au-