Page:Braddon - Henry Dunbar, 1869, tome II.djvu/228

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
224
HENRY DUNBAR

Il prit la barre quand le bateau eut gagné le large, les deux jeunes gens laissèrent tomber leurs avirons, et le bateau s’élança vers la pleine mer où l’œil le plus exercé pouvait seul découvrir le point noir qui représentait le Corbeau.

— Si c’était un faux mouvement ! — pensa Carter ; — cependant ce n’est pas vraisemblable. S’il avait voulu me distancer et regagner Londres, il eût pris l’un des trains que nous avons guettés ; s’il avait voulu rester caché dans la ville, il n’eût disposé d’aucun de ses diamants, et puis, d’un autre côté, pourquoi le Corbeau serait-il parti avant d’avoir à bord la totalité de sa cargaison ? Quoi qu’il advienne, je crois avoir bien fait de risquer cette démarche et de suivre le Corbeau. Si c’est une chasse à l’oie sauvage, ce n’est pas la première que j’aie faite, et je m’en suis toujours bien tiré.

Le petit bateau pêcheur se conduisit bravement une fois à la mer ; mais même avec l’aide des avirons, vigoureusement maniés par les deux jeunes gens, ils ne gagnèrent pas sur le Corbeau, car le point noir s’effaça insensiblement et finit par disparaître tout à fait.

— Jamais nous ne le rattraperons, — dit l’un des hommes en se versant une rasade de l’eau-de-vie contenue dans le flacon de grès et comme pris d’un accès de désespoir. — Nous ne rattraperons pas plus le Corbeau que nous ne pouvons rattraper le jour d’avant-hier, à moins que le vent ne change.

— Je crois que l’autre vent changera au coucher du soleil, — répondit le jeune homme qui avait donné l’accolade plus souvent que son camarade au flacon de grès et qui voyait plus gaiement les choses, — je crois que le vent va changer à la nuit.

En parlant ainsi, il regardait dans la direction du vent. Il prit ensuite la barre des mains de Carter, et ce gentleman s’enveloppa dans sa nouvelle couverture de voyage et se coucha dans le fond du bateau en se