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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

servant de l’un des pardessus des pêcheurs en guise d’oreiller, et de l’autre comme d’un couvre-pieds. Bercé par le bruit monotone de l’eau contre les parois de l’embarcation, il tomba dans un sommeil profond dont le charme était cependant un peu tempéré par le contact peu moelleux des planches sur lesquelles il était couché.

À son réveil, il apprit que le vent avait changé et que la Jolie Polly, c’était le nom du bateau appartenant aux deux pêcheurs, gagnait le Corbeau de vitesse.

— Nous serons dans ses eaux avant une heure, — dit l’un des hommes.

Carter se secoua pour chasser le sommeil et se dressa sur ses pieds. Il faisait un magnifique clair de lune, et le petit bateau laissait un sillage argenté derrière lui. Au loin, à l’horizon, on voyait une faible tache blanche que l’un des pêcheurs montra du doigt à Carter. C’était la grande voile du Corbeau que les rayons de la lune faisaient paraître blanche.

— Il ne fait pas assez de vent pour éteindre une chandelle de deux sous, — dit l’un des jeunes gens. — Nous sommes sûrs maintenant de le rattraper.

Carter, à l’instigation de l’un de ses compagnons, but une rasade d’eau-de-vie et se prépara à l’événement qu’il avait devant lui.

De toutes les aventures hasardeuses dans lesquelles l’agent s’était trouvé engagé, celle-ci n’était pas la moins hasardeuse. Il allait s’aventurer à bord d’un vaisseau inconnu dont le capitaine avait une très-mauvaise réputation, et dont l’équipage se modelait sans doute sur les mœurs de son patron. C’était parmi ces gens-là qu’il allait se jeter dans l’espoir de capturer un criminel dont la position, s’il était pris, était si désespérée qu’il ne devait pas vraisemblablement hésiter dans le choix des moyens qui pouvaient l’empêcher d’être arrêté. Mais ce n’était pas le premier cas où les chances