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HENRY DUNBAR

fussent contre l’agent, et il envisageait la possibilité d’être jeté par-dessus le bord dans une lutte corps à corps avec Wilmot avec autant de calme que si la mort par submersion était la fin naturelle de l’homme.

Une seule fois, et tandis que, debout à la proue du bateau, il regardait le point à l’horizon, Carter porta la main à la poche de côté de son vêtement où était caché le plus joli et le plus nouveau revolver du monde. Mais à part ce geste presque involontaire, rien ne vint révéler qu’il songeât au danger qui l’attendait.

La lune étincelait dans un ciel sans nuages, et le bateau pêcheur fendait l’eau tandis que les solides avirons semblaient battre la mesure d’un hymne sans paroles. Par ce beau clair de lune, les voiles du Corbeau devenaient plus blanches et plus larges à chaque coup des avirons qui faisaient bondir si légèrement la Jolie Polly sur la surface bleue de la mer.

En voyant le bateau gagner le navire de vitesse, Carter apprit sa mission aux deux jeunes gens et leur dit à quel titre il courait après le fugitif.

— Je peux compter sur vous en cas de besoin… hein, mes enfants ? — demanda-Ml.

— Oui, — répondirent les jeunes gens, — vous pouvez compter sur nous jusqu’à la mort.

Leur courage semblait augmenter à l’approche du danger, surtout lorsque Carter leur donna à entendre qu’il pourrait bien y avoir une prime pour chacun d’eux, pour les récompenser de leur participation à la capture d’un malfaiteur.

Ils coururent une bordée parallèlement au vaisseau noir et de méchant aspect. Puis Carter, se dressant dans le bateau, cria :

— Yo… ho ! du navire… ho !…

Sa voix retentit au loin sur l’eau étincelante.

Un homme, la pipe à la bouche, passa la tête par-dessus le bord.