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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

— Hilloa ! quel est ce bateau ? — demanda-t-il d’un ton furieux.

— Je veux parler au capitaine.

— Qu’est-ce que vous lui voulez ?

— C’est mon affaire.

Un autre homme à visage sombre, ayant aussi une pipe à la bouche, passa sa tête par-dessus le bord, et, retirant sa pipe de ses lèvres, s’adressa à l’agent.

— Mille diables !… qu’est-ce qui vous prend de venir nous accoster ? — s’écria-t-il. — Allons, au large ! ou je vous passe sur le corps.

— Oh ! que non pas, monsieur Spelsand, — répondit un des deux pêcheurs ; — vous y regarderez à deux fois. Est-ce que vous avez oublié que vous êtes passé en jugement pour avoir aidé à la fuite de John Bowman, l’employé qui avait volé la Compagnie d’assurance ?… Avez-vous oublié que vous avez été arrêté pour votre peine ?

Spelsand donna un ordre au timonier et le vaisseau vira de bord brusquement ; si brusquement, que si les deux jeunes gens n’avaient pas été aussi bons marins, ils eussent fait très-intime connaissance, ainsi que Carter, avec l’élément qui les entourait. Mais les deux jeunes gens étaient d’excellents matelots, et, de plus, ils étaient accoutumés aux allures du capitaine Spelsand du Corbeau ; aussi, au moment où le noir vaisseau vira de bord, ils coururent une bordée au large et accueillirent par un éclat de rire la manœuvre de leur adversaire.

— Je vous conseille de mettre en panne et de me laisser monter à votre bord, — dit l’agent, tandis que le bateau dansait sur les vagues. — Vous avez donné refuge à un gentleman, à un gentleman contre lequel j’ai un mandat d’amener. S’il lui importe peu que je l’arrête maintenant ou à son arrivée à Copenhague, puisque dans tous les cas il ne peut m’échapper, il