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HENRY DUNBAR

peut vous en cuire beaucoup à vous, capitaine Spelsand, si vous résistez à mon autorité.

Le capitaine hésita un instant, tout en tirant quelques bouffées précipitées de sa pipe.

— Montrez-nous votre mandat, — dit-il enfin d’un ton rogue.

L’agent était parti de Scotland Yard avec un mandat pour l’arrestation d’un meurtrier. Il fit passer ce document au capitaine du Corbeau, et ce gentleman, qui était loin d’exceller dans les arts peu maritimes de la lecture et de l’écriture, tourna et retourna le parchemin en l’examinant d’un air réfléchi à la lumière de la lune.

Il y put voir un formidable appareil de mots et de fioritures, et il fut convaincu que c’était bien le véritable et menaçant document.

— Vous pouvez monter, — dit-il. — Après tout, ce qu’il y a de sûr, c’est que ce n’est pas à moi que vous en voulez.

Le capitaine du Corbeau dit ces paroles avec un air de résignation sublime, et, l’instant d’après, l’agent escaladait le bordage du vaisseau à l’aide d’une corde jetée par un des matelots.

Un des pêcheurs suivit Carter, et, avec ce puissant allié, Carter se sentit assez fort pour affronter tous les dangers.

— Si vous voulez bien me prêter une lanterne, — dit l’agent, — je vais jeter un petit coup d’œil en bas.

Ce ne fut pas de bonne grâce que ce désir fut exécuté, et il fallut que Carter exhibât une seconde fois son mandat pour obtenir une petite lampe fumeuse. À l’aide de cette faible lueur, il tourna le dos à la charmante lumière de la lune et descendit dans un entrepont très-bas de plafond, sombre et malpropre, et garni de cadres aussi noirs que repoussants, et possédant aussi peu d’attraction que les compartiments destinés à recevoir les corps dans un caveau funèbre.