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HENRY DUNBAR

servante, et qui a joué une petite comédie pour vous faire courir aux antipodes, mon beau mouchard, tout fin que vous êtes ? Arrêtez-moi, monsieur l’agent ; empêchez-moi d’améliorer mon éducation et mon esprit par de lointains voyages ; allez, ne vous gênez pas, monsieur l’agent. Ça fera un joli petit procès pour arrestation illégale, voilà tout.

Il y avait dans le ton gouailleur de cet homme quelque chose qui trahissait bien la nature du bandit. Carter grinça des dents dans une rage silencieuse.

Trompé par une jeune servante la tête enveloppée d’un mouchoir ! Envoyé sur une fausse piste pendant que le criminel gagnait le large tout à son aise ! Raillé, dupé et trompé, après vingt ans de service ! C’était dur.

— Ce n’est pas Joseph Wilmot, — murmurait Carter ; — ce n’est pas Joseph Wilmot !…

— Pas plus que toi, fiston, — répondit avec insolence le voyageur.

Les deux hommes étaient là, face à face. Il y eut dans ce ton insolent quelque chose qui éveilla un souvenir confus dans l’esprit de l’agent et le fit tressaillir. Il éleva tout à coup la lampe, toujours en fixant son prisonnier et en murmurant presque involontairement :

— Ce n’est pas Joseph Wilmot !

Les rayons de la lampe frappèrent brusquement les yeux de l’homme.

— Non, — s’écria l’agent d’un ton de triomphe, — non, tu n’es pas Joseph Wilmot, mais tu te nommes Stephen Vallance, Steeve… le mauvais drôle, le faussaire, l’homme évadé de l’île Norfolk après le meurtre d’un de ses geôliers… c’est toi qui lui as fait sauter le crâne avec une barre de fer… si j’ai bonne mémoire. Ah ! maître Vallance, vous avez su vous dérober longtemps à nos recherches, mais je vous tiens, et il y a