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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

une prime pour qui vous appréhendera. Au moins je n’aurai pas fait mon voyage pour rien !

L’agent voulut saisir de l’autre main le collet de Vallance ; mais Vallance repoussa violemment la main levée, et, s’arrachant à l’étreinte de son ennemi, se précipita par l’escalier de l’entre-pont.

Carter courut après lui.

— Arrêtez cet homme ! — cria-t-il à l’un des pêcheurs, — arrêtez cet homme !

Il est probable que l’instinct de la conservation seul poussa Vallance à agir de la sorte, quoiqu’il n’y eût aucun moyen de s’enfuir du navire, sinon avec l’aide d’un bateau. Il ne fallait pas songer à se sauver à la nage. En se dérobant à l’étreinte de l’agent, il vit un des pêcheurs s’élancer sur lui d’une autre partie du pont. Ainsi traqué, et ébloui peut-être par le passage soudain de l’obscurité à la grande lumière, il se recula vers une ouverture dans la muraille du vaisseau, perdit l’équilibre et tomba lourdement à l’eau.

Le pont fut en révolution, et un cri partit de toutes les poitrines au moment où l’équipage se précipita sur le bord.

— Sauvez-le, — cria l’agent. — Il a autour du corps une ceinture pleine de diamants.

Carter disait cela au hasard, car il ignorait lequel des deux hommes possédait la ceinture aux diamants.

L’un des pêcheurs retira sa chaussure et piqua une tête dans l’eau. L’équipage regarda avec anxiété les deux têtes qui surnageaient sur les vagues éclairées par la lune et les bras qui s’agitaient dans l’eau. La force du courant emporta les hommes loin du navire.

Pendant quelques instants on ne sut que penser. Le schooner, immobile tout à l’heure, semblait fuir devant une brise fraîche qui s’était levée. Enfin on entendit un cri, et une tête parut au-dessus de l’eau, avançant rapidement vers le vaisseau.