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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

time de sa propre habileté, était au moins décourageant pour un agent de première classe du service de sûreté.

— Et ce drôle de Vallance, — songeait Carter, — qui va s’imaginer de se noyer pour me jouer un mauvais tour. C’eût été un dédommagement pour moi de le ramener. J’en aurais pu tirer quelque profit et quelque honneur. Mais non ! il a préféré tomber à l’eau plutôt que de m’être agréable.

Il ne restait plus à Carter qu’à revenir directement à Lisford, et recommencer la partie avec toutes les chances contre lui.

— Quoi que je fasse, — pensait-il, — Wilmot aura toujours quarante-huit heures d’avance sur moi, et il n’est rien qu’il ne puisse faire dans ces conditions-là, s’il garde son sang-froid et s’il ne commet pas les folies que font volontiers les gens de sa sorte quand il leur arrive une chance pareille. Quoi qu’il advienne cependant, je ne le lâcherai pas, et ce sera bien extraordinaire s’il réussit à m’échapper, car je suis surexcité, ma réputation dépend de mon succès, et je me soucierais autant de traverser l’Atlantique pour le rejoindre que de passer le pont de Waterloo !

Il faisait froid lorsque, au petit jour, la Jolie Polly vint s’amarrer aux degrés de granit qui terminaient le quai. Le temps était glacial, et Carter était mouillé, ses vêtements étaient malpropres et sa barbe longue lorsqu’il monta d’un pas rapide les marches humides conduisant au quai. Il donna aux deux jeunes pêcheurs les cinq livres qu’il leur avait promises et les laissa s’applaudissant de leur besogne nocturne, si pauvre de gloire qu’elle fût.

Il n’était pas possible de se procurer de voiture à cette heure matinale ; aussi Carter fut-il obligé de se rendre à pied du quai à la gare, où il comptait retrouver Tibbles, ou, tout au moins, avoir des nouvelles de