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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

a donnée à son patron, c’est la plus amère des dérisions.

Carter emmena son subordonné outré au café de l’hôtel de la gare, où Tibbles avait loué une chambre pour la nuit, et où il avait pris quelques instants de repos dans l’intervalle séparant l’arrivée du dernier train du départ du premier du lendemain. L’agent fit apporter un déjeuner substantiel, qu’il fit précéder de deux verres d’excellent cognac, et, sous l’influence du jambon, des œufs, des côtelettes de mouton, d’une sole au gratin et du café bouillant, le calme ne tarda pas à se rétablir dans l’esprit de Tibbles.

Carter expliqua brièvement à son compagnon qu’il avait perdu son temps et sa peine à suivre une fausse piste et qu’il fallait abandonner l’entreprise. Sawney accueillit ces nouvelles avec force grincements de dents et mordillements de lèvres, et avec une expression de doute dans son œil rouge et terne. Il accepta cependant la récompense que lui offrit son patron et convint de retourner à Londres par le train de dix heures.

— Et maintenant, quoi que j’entreprenne pour mener cette affaire à bien, je l’entreprendrai sans secours étrangers, — se dit Carter à lui-même.

Le soir du même jour, à cinq heures, l’agent se trouvait de nouveau à la station de Shorncliffe. Il prit une voiture et se fit conduire rapidement au cottage de Lisford.

La jolie petite habitation de l’officier de marine était absolument dans le même état où Carter l’avait laissée, excepté qu’à une des fenêtres supérieures était fixée une large pancarte annonçant que la maison était à louer meublée, et qu’on pouvait se procurer tous les renseignements chez Hogson, épicier à Lisford.

Carter se prit à siffler.

— L’oiseau est envolé, — dit-il à voix basse ; — il