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HENRY DUNBAR

donner le misérable, pensai-je ; maintenant que j’ai été l’instrument de la découverte de ce crime hideux, elle me haïra.

« Oui, ce crime était hideux, d’une horreur presque sans exemple. La trahison qui avait amené la victime à la mort paraissait moins horrible que l’art diabolique qui avait attaché au nom de l’homme assassiné le stigmate d’un crime supposé.

« Mais je ne savais que trop bien que, malgré toute la noirceur de son action, Margaret s’attacherait à son père avec autant de dévouement et de tendresse que dans ces temps malheureux où le soupçon de son indignité n’avait été qu’une ombre qui se glissait sans cesse entre Wilmot et son enfant. Je n’avais pas l’espoir qu’elle me pardonnerait jamais d’avoir apporté mon anneau à cette étrange chaîne de preuves qui condamnait Wilmot.

« Telles furent les pensées qui me tourmentèrent pendant la première quinzaine qui suivit mon retour du malheureux voyage à Winchester. Telles étaient les pensées qui me bouleversaient l’esprit pendant que j’attendais des nouvelles de l’agent.

« Pendant tout ce temps, il ne m’arriva pas une seule fois de penser que Wilmot pût avoir une chance, si petite qu’elle fût, d’échapper à son adversaire.

« J’avais vu si souvent la science de la police déjouer les plans les plus habiles de criminels émérites, que j’aurais considéré, si j’avais mis la chose en question, ce que je ne fis pas, que j’aurais considéré comme impossible que Wilmot pût se dérober à la justice. Il était vraisemblable qu’il serait arrêté à Maudesley Abbey à l’improviste, et parfaitement ignorant de la découverte faite à Winchester ; en un mot, c’était une proie facile pour un habile agent du service de sûreté.