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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

« Je considérais si bien comme certaine son arrestation immédiate que, lorsque j’ouvrais le Times chaque matin, je comptais y trouver un article en vedette annonçant la solution du mystère de Winchester et l’arrestation du meurtrier.

« Mais les journaux gardèrent le silence sur Wilmot et, huit jours après mon retour, je fus étonné de lire le récit d’une escarmouche, par un agent du service de sûreté, à bord d’un schooner, à quelques milles de Hull, escarmouche qui s’était terminée par la mort d’un certain Stephen Vallance, malfaiteur dangereux. L’agent se nommait Henry Carter. Y avait-il donc deux agents de ce nom dans les rangs de la police de Londres ? ou était-il possible que le Henry Carter de ma connaissance eût renoncé à opérer une arrestation aussi profitable que celle de Wilmot, afin de courir la mer à la poursuite de criminels inconnus ? Huit jours après le récit de cette mystérieuse aventure, Carter parut en personne à Clapham, très-sérieux et l’air abattu.

« — C’est humiliant à dire pour un homme comme moi, me dit Carter ; c’est humiliant à dire, mais je préfère vous l’avouer tout de suite. J’ai été joué, monsieur, et joué par une jeune fille, ce qui rend la chose trois fois plus mortifiante. C’est une honte pour le sexe masculin en général.

« Le cœur me sauta dans la poitrine.

« — Est-ce que Joseph Wilmot vous a échappé ? demandai-je.

— Il m’a échappé, monsieur, mieux que personne au monde. Je suis presque certain qu’il n’a pas quitté le pays, car j’ai parcouru tous les ports d’embarquement. Mais que dis-je ? S’il n’a pas quitté le pays et s’il n’a pas l’intention de le quitter, tant mieux pour lui et tant pis pour ceux qui voudraient bien le découvrir. C’est en essayant de quitter l’Angleterre que